Josette, espionne rousse du réel. Nouvel épisode




Josette entendit à la radio une personne lire le texte d'une autre évoquant son souci quant à l'usage de la langue et à l'attention à porter à ce que disent les mots et les phrases quand soudain apparut la phrase « Je ne supporte pas que la langue soit traitée comme une vieille chaussette » ou peut-être « je ne supporte pas qu'on traite la langue comme une vieille chaussette. Et Josette d'éprouver la même sensation que lorsqu'elle trouve une tique sur le corps d'un de ses chats. Josette ne put s'empêcher de songer qu'elle traitait bien ses vieilles chaussettes, qu'elle les reprisait, qu'elle s'en servait pour le ménage ou pour fabriquer des marionnettes, des jouets pour ses chats...etc... Et Josette pensa qu'elle ne supportait pas que soit laissé dans les flots et les flux du langue, que soit laissé flotter des détritus qui la pollue. Des parasites qui la tue. Josette se souvint alors d'une revue de presse qu'elle avait fait en Travaux Dirigés de sociologie politique où elle s'était attaqué à l'adjectif « urbain » censé décrire les qualités de politesse et de courtoisie chez l'être humain renvoyant de fait le rural dans l'expression de la rudesse et la grossièreté de l'être humain. L'exercice de la revue de presse en TD de sociologie politique consistait à scruter les articles de journaux afin d'y trouver les non-dits idéologiques, les angles morts chargés pourtant de sens politique, etc...C'était les années 80, Pierre Bourdieu était le pape de la sociologie politique française et le prof de TD s’appelait Philippe Corcuff. Après le cours, un « camarade » de classe tel le bon docteur Grevisse était venu expliquer à Josette le bon usage de l''adjectif « urbain », qu'il ne s'agissait pas là de l'adjectif « urbain » qui se distingue du rural mais de l'urbain qui fait preuve d'urbanité, de savoir-vivre (à l'époque, personne ne se sentait obligé de préciser savoir-vivre « ensemble »), etc... le « camarade » ne se soucia même pas d'entendre ce que Josette avait à lui répondre, puisqu'il avait seulement pris la peine d'éclairer son ignorance de la langue. Qu'il lui avait fait la leçon.
« Que ce soit précisément ce bon usage que j'avais critiqué ne l'avait même pas effleuré, se disait rétrospectivement Josette, Qu'On fasse dire à la langue des saloperies pour les édifier en vérité est précisément ce qui n'est guère « urbain » ! » Josette s'était souvenu de son père évoquant son étonnement devant ces personnes qui parlent aux autres comme si elles étaient en ligne directe avec Dieu sans se demander si les autres n'ont pas leurs propres façons ! «  La violence sociale est dans la langue ! L'ignorer c'est se leurrer , se disait Josette. La violence tout court et toute courte aussi d'ailleurs, s'y trouve. Et son contraire. Bref, la langue n'est pas ce corps neutre dépourvu d'histoires et de guerres. Son ph n'est pas de 7, il s'y trouve potentiellement tous les ph, la langue contient tout le spectre, du plus basique au plus acide».
Puis Josette s'endormit.
Puis Josette entendit : « Il s'y trouve tous les spectres ».
Puis Josette rêva.
Puis Josette entendit : « Il s'y trouve tous les spectres ...La langue contient tous les spectres car les langages sont les lieux de tous les combats, continuaient les voix, n'est-ce pas en Syrie et au Moyen-Orient qu'ont été trouvé les premières traces écrites ? Pourquoi as-tu cessé de croire aux langues mathématiques ?».
Josette ne savait plus.

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