Mon premier grand rôle dramatique : Dracula.

A la veille des fêtes de Noël de l'an 1978, à l'occasion de la fête des internes qui se tenait le mercredi après-midi avant les vacances, j'ai tenu mon premier grand rôle dramatique soit « Dracula ».
Après le repas du soir à l'internat, qui se trouvait être le château d'Anna de Noailles au bord du Lac léman, nous avions du temps libre avant l'ouverture des dortoirs et une fille en classe de quatrième nous faisait faire du théâtre : elle était arrivée d'Annecy, attendait de se faire opérer du cœur et nous racontait les pièces de théâtre dans lesquelles elle avait joué l'année précédente. Elle nous avait montré comment avec une lampe de poche placée sous le visage, il était possible d'avoir une tête de monstre. Nous avions donc repris et travaillé l'histoire d'un vampire qui enlève une princesse pour la manger et la princesse se fait délivrer par son prince charmant. Dans la version que nous interprétions, le vampire n'était pas du tout un personnage central, mais juste un accessoire à l'histoire d'amour entre les amants. C'est pourquoi, bien que le remake de Nosferatu avec Klaus Kinski et isabelle Adjani avait déjà du être réalisé, c'est pourquoi, donc, le rôle du vampire m'était revenu. Je n'avais que quelques scènes, dont une totalement improvisée destinée à permettre à la princesse, que j'avais soit disant enlevée, de changer de costume. Mon costume, lui, consistait en mon kabig bleu porté à l'envers sur un collant de laine et un sous pull. Je revêtais la capuche sur ma face, puis la faisait tomber par peut-être un mouvement de tête ou de bras et j'avais peut-être une lampe de poche scotché dans l'intérieur du kabig. Mais il est possible que nous avions laissé tomber cet effet spécial et que je sois juste maquillée et coiffée par des BEP secrétariat qui présentaient un numéro de danse disco sur peut être la musique « born to be alive »  et elles nous auraient montré comment nous crêper les cheveux et nous auraient prêté du khol et de la laque. Je crois aussi avoir renoncé au dentier dents de vampires en plastique parce qu'il me faisait vomir. Je tenais mes bras bien haut et mes jambes pliées et faisait des grimaces, (à l'époque je ne connaissais pas du tout les danses grotesques de Valeska Gesk ), puis je simulais préparer une soupe avec toute une sorte d'ingrédients que j'énumérais (bave de crapaud, corne de licorne, etc..) tout en riant d'un rire imité sur ceux des sorcières dans les dessins animés, Walt Disney compris. Jean Marais dans le film la belle et la bête de Cocteau avait du constituer inconsciemment une grande source d'inspiration pour ma composition du rôle. Dans mon souvenir, la scène est un peu surélévée par rapport aux chaises des spectateurs, la scène doit être constituée d'un assemblage d'estrades installées dans le foyer, accolées aux deux ,trois marches menant à un couloir donnant notamment sur les douches où nous avions installé les loges. La difficulté de mon rôle consistait à avoir à descendre les marches de l'escalier et faire quelques pas en aveugle puisque la face revêtue de la capuche de mon kabig. Je me souviens du spot lumineux que je voyais au loin, du noir, et de la présence des personnes du public, présences qui semblaient presque n'en former qu'une, je me souviens qu'il était agréable d'entendre les personnes rire. Je me souviens en faire des tonnes encouragée par les rires qui devenaient presque un seul rire et d'avoir fait durer la scène plus que nécessaire : sans doute étais-je vraiment devenue le monstre, je voyais même la marmite et le mélange que je tournais lorsque je vis la princesse en chemise de nuit qui se tenait derrière la vitre de la porte battante et me faisait des signes pour me dire que je pouvais arrêter,et donc je sortais de mon délire et j'annonçais je ne sais plus comment le dernier ingrédient de la soupe. J'allais chercher la princesse, la prenait dans mes bras puisqu'elle était peut être censée être évanouie, faisait quelques tours sur moi-même avec la princesse dans les bras. Après je ne me souviens plus trop, le prince devait arriver à ce moment et j'étais sans doute très rapidement vaincue.
Nous avons un jour rejoué cette pièce au collège qui était un ancien monastère au bord du Lac Léman : ce devait être une veille de vacances de Pâques et la prof de français n'avait pas envie de faire cours à moins que nous n'ayons pas envie d'avoir cours, bref, nous avions proposé de jouer nos pièces juste pour la classe. C'était moins bien, il n'y avait pas de lumière, de son, de coulisses, de costumes, le public était nettement moins nombreux, ce n'était pas l'ambiance de l'internat. La préparation de ma soupe n'avait pas connu le même succès. J'avais toutefois revêtu mon kabig à l'envers, caché puis montré ma face grimaçante, bras en l'air et jambes pliées. Puis nous avions joué la pièce qu'avaient jouée les terminales à la fête de Noël des internes et qui consistait en une parodie de jeu télévisée. Et je ne sais plus quel rôle je jouais. Sans doute l'un des candidats.
Un an ou deux ans après, j'ai commencé à parfois rêver que j'étais un vampire errant dans les couloirs du collège et que je suçais les serviettes hygiéniques usagées disposés dans des bacs métalliques suspendues au-dessus des toilettes. La première fois que j'ai eu fait ce rêve, je l'avais racontée au petit déjeuner à F. qui avait trouvé cela vraiment dégoutant, mais F. ne connaissait pas le fait que j'avais joué un vampire un an ou deux années auparavant et je n'ai pas tout de suite remarqué que dans mon rêve , que je referais deux ou trois fois la même année, j'étais habillée de mon kabig et de mon collant. Je me souviens avoir parlé de ce rêve une fois avec des lesbiennes qui me diront que c'est un rêve typiquement lesbien sans que je ne parvienne à savoir si leurs propos ne relèvait pas du simple réflexe prosélyte. Ou alors je n'en ai pas reparlé mais y ai repensé alors qu'une fille racontait qu'elle faisait des photos de sexe féminin quand les filles ont leurs règles. Quelque chose comme cela. De toutes les façons, j'avais en fait déjà repensé à ce rêve lorsque j'avais vu le film « le retour de Freddy, les griffes de la nuit II » où Michael J.Fox rêve de trucs qu'il fait ou que Freddy fait à travers lui comme par exemple assassiner son prof de gym dans les douches de son collège et de se trouver mal le lendemain lorsque découvrant les flics dans son collège enquêtant sur le meurtre de son prof de gym à l'endroit précis où il l'avait rêvé. « quoiqu'il en soit, m'étais-je dit alors, notre collège, ancien monastère, a du être détruit depuis et le bâtiment n'existant plus, je ne peux plus y errer la nuit à la recherche de chair fraiche et me rabattre sur du sang menstruel imprégné dans des serviettes. »
Ensuite ma carrière théatrale s'est étoffé du rôle du deus ex macchina dans l'avare de Molière, peut-être le père d'un des héros voulant épouser la fille de l'avare : je disais un grand monologue et rétablissais la morale et l'histoire selon les règles seyant à l'époque. Je ne me souviens pas du tout du texte, juste que nous rentrions nos pantalons dans nos bottes pour avoir l'air d'être en costume d'époque.
Et, en ce qui concerne ma carrière théâtrale, je crois que c'est tout.

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